Bonjour à tous,
je profite du fait que mon propriétaire ait laissé son ordinateur dans mon coffre, pour me connecter au forum et raconter mon histoire.
Je me présente, je suis la NB 143328, et j'ai rencontré mon propriétaire il y a aujourd'hui 10 ans. Je suis la 43327ème fabriquée. Je suis sortie de chaîne en Décembre 1999 à Hiroshima. J'ai été peinte en Grace Green, teinte qui me sied à merveille. Pour les ouvriers Mazda, je ne suis que 18J, un code bien moins poétique. Mon coeur de 1600cm3 s'est mis en route pour la 1ère fois ce jour, pour rejoindre le parking d'embarquement sur le port d'Hiroshima.
Je n'ai pu m'empêcher de regarder autour de moi. Chacune des centaines de mes consœurs devait se poser la même question: Ou allions nous vivre notre vie? J'ai pu rapidement me faire une idée. On a collé sur mon support de plaque arrière "Mazda" et "Mx-5". Ce ne sera donc pas les Etats-Unis, ni le Canada, je me serais appelée "Miata". Mon volant est à gauche, ce ne sera pas non plus le Japon, ni l'Angleterre, ni l'Australie.
Ce sera donc l'Europe! Cette perspective me réjouit, j'aurais droit à une croisière pour y aller. Mon analyse était exacte, je suis embarquée le Vendredi 10 Décembre 1999 sur le "Hercules Leader", un navire porte-voitures battant pavillon Panaméen de 200m de long, exploité par la NSK Line, la "Nippon Yusen Kaisha".
La croisière se passe sans encombres, et je suis débarquée le Jeudi 13 Janvier 2000 sur le port d'Anvers, en Belgique. Première bouffée d'air Européen!
A partir de maintenant, l'attente sera longue, et comme toutes mes consœurs, j'attends impatiemment qu'un concessionnaire me commande. Nous sommes toutes sur un listing consultable par chaque concession Européenne, ils n'ont plus qu'à nous choisir.
Mon heure arrive le 5 Juin. Le bon de commande tombe, je serais livrée à la concession Mazda de Boulogne sur Mer. Je sais que la France est un pays de rêve vu de là ou je viens, je suis donc heureuse de mon sort, et beaucoup de mes consœurs restées au Japon doivent m'envier. Je suis débarquée du camion le 18 Juillet à 17h45, puis rejoint l'arrière cour du garage du groupe Mazda Colbert, mais l'attente sera cette fois moins longue que sur le sinistre parking portuaire d'Anvers.
Quelques jours plus tard, un jeune homme vient dans la concession ou je me trouve. Il est là pour acheter une Mx-5, c'est sûr, et il va faire ses premiers tours de roues avec une autre Mx-5, rouge, dédiée aux essais, elle aussi mue par un 1600. Il revient de cet essai enthousiaste, et se dirige vers le bureau du vendeur pour discuter. Quelques minutes après, ils ressortent, et se dirigent vers moi. J'ai peur de ne pas faire envie: je suis depuis plusieurs jours dans le parking de stockage extérieur, sale, encore équipée de jantes en tôle, je ne me présente pas sous mon meilleur jour. Laissé seul par le vendeur parti répondre au téléphone, le jeune homme tourne longtemps autour de moi. Il me scrute, ouvre mes portes, caresse du regard ma carrosserie...
Une autre de mes consœurs est aussi disponible. Elle est blanche, je sens une hésitation. Le jeune homme repart en serrant la main du vendeur. Durant les jours qui viennent, je me doute que quelque chose se trame. Le vendeur décroche plusieurs fois son téléphone, rappelle autant de fois, et discute en me regardant, en griffonnant sur un cahier. Je sais que je suis en concurrence avec une 1600 grise de la concession de Lille, et une toute nouvelle série spéciale à la concession de Calais. Je suis beaucoup moins belle, je le sais: elle a le cuir beige, le bois, et une nouvelle couleur "aubergine". J'attends en comptant les jours.
Le 24 Juillet, un mécanicien vient vers moi, et je me dirige vers l'atelier. Je suis nettoyée, "préparée" comme je les entends dire autour de moi. Ils vérifient mes niveaux, contrôlent la pression de mes pneus, et je reçois des plaques d'immatriculation temporaires. Des cartons arrivent et sont ouverts à côté de moi, je suis équipée d'un autoradio, et on me fixe un porte bagage sur le dos.
Le 27 Juillet 2000, je suis sortie devant la concession...sous une fine pluie, comme seul le Nord peut nous en gratifier en plein mois de Juillet. Mon futur propriétaire arrive, je le reconnais! C'est bien celui qui était venu me voir. Il me contemple, mais l'air vaguement déçu: je n'ai pas les jantes qu'on lui avait promis. Le vendeur assure qu'il ne s'agit que d'un retard de livraison, qu'elles arriveront bientôt, et que je devrais revenir dans cette concession pour recevoir mes nouvelles roues. En attendant, je vais rouler avec de simples jantes en tôle.
La discussion avec le vendeur se poursuit dans le showroom, à l'abri de la pluie. La blanche qui n'a pas encore rencontré de propriétaire servira à faire les démonstrations d'usage: comment ouvrir le capot, la trappe à essence, ou se trouve la batterie, le fonctionnement de la capote... Puis le jeune homme disparait à nouveau avec le vendeur dans les bureaux, puis ressort quelques minutes plus tard avec un jeu de clés, serre la main du vendeur une dernière fois, et se dirige vers moi, hâtant le pas pour ne pas être mouillé par la pluie, puis s'installe rapidement à mon bord.
Pendant quelques minutes, il prendra mesure du fait que je lui appartient, réglant religieusement le siège, les rétroviseurs, avant de tourner fébrilement la clé. Il s'appelle Stéphane, a 23 ans, je suis sa première voiture. il me sort délicatement du parking de la concession, et s'engage dans la circulation. Les essuie glace balaient le pare brise, et il s'amuse du crépitement de la pluie sur la capote.
Pour mon premier trajet, je serais gâtée. Je vais rentrer sur Calais par la route des Caps. Cette route sera parcourue des dizaines de fois les années suivantes, je me souviens à chaque fois de mes premiers tours de roues. Après une dizaine de kilomètres, la pluie cesse, et à l'entrée de Wimereux, je me gare sur le côté, et je sens comme une hésitation... Décapoter? Maintenant? Par temps frais? Le qu'en dira-t'on des passants, leur regard désapprobateur... Finalement mon nouveau propriétaire n'en a que faire, et rabats ma capote pour la première fois. Une fraîcheur s'installe dans l'habitacle, et il se remets en route. C'est un des plus grands moment de ma vie! Je découvre la route, moi qui n'ai connu que la chaine de montage d'Hiroshima et les cales d'un cargo, c'est une délivrance. Je n'ai que très peu roulé depuis ma fabrication, en sortie de concession, mon compteur n'affichait que 4km.
Dans la semaine, je rejoindrais Lille, ma nouvelle ville d'adoption. Entre temps, j'aurais reçu mes jantes de 15 pouces -les mêmes que mes grandes sœurs de 1800cm3- et mes plaques définitives. Mon rodage sera soigneux, variations de régimes, sans dépasser les 3500 tours, puis en augmentant progressivement par tranches de 500 tours. Mon propriétaire devra insister afin que je bénéficie de ma première vidange à 1000km, le mécanicien de chez Mazda argumentant que ça ne se fait plus. J'en aurais une autre à 5000km. Afin de célébrer la fin de mon rodage, je participerais à ma première sortie club. Ce sera en Bourgogne, en Octobre 2000. Pour la première fois, je roule en convoi avec d'autres Mx-5, mais au fond de moi je sais que ce ne sera pas la dernière fois!
Mis à part les sorties clubs et les promenades sans aucun but autre que celui du plaisir de rouler, mon usage sera limité, et le temps et les kilomètres s'écouleront paisiblement pendant 2 ans.
En Juin 2001, mon siège passager est occupé pour la 1ère fois. Elle s'appelle Valérie. Je ne suis pas jalouse, au contraire, je sais qu'ils se sont rencontrés grâce à moi! Une Mx-5 de la région, bleu nuit avec un moteur 1800, appartient à une jeune femme blonde. Cette dernière à une amie qui aimerait découvrir le cabriolet. Elle lui négocie donc ma place passager. Elle ne l'a quittera jamais!
Mon usage devient un peu plus intensif. Suite à un déménagement à la fois personnel et professionnel, je deviens le véhicule principal du foyer. J'ai été flattée que lors de la recherche du nouvel appartement, le critère numéro un était la présence d'un garage fermé! Les kilomètres s'accumulent alors de manière plus conséquente. 10000, 20000, 30000...ponctués par les révisions dans la concession de Villeneuve d'Ascq. Fin 2001, je reçois le kit optionnel Mazda: ma vue est améliorée, j'ai maintenant 2 feux anti-brouillards, et une lame rends mon visage un peu plus sportif. Je reçois aussi un double échappement.
2002 fût une année charnière pour moi. En Avril, je pose pour la première fois mes roues sur circuit. C'est à Pouilly en Auxois, en Bourgogne. Je ne suis pas au point, je ne suis plus capable de freiner au bout d'un tour, mes pneus d'origine crient de douleur... Au fil du temps, sans me transformer en pistarde, je subirais quelques modifications afin de me rendre un peu plus affûtée.
Ce fût aussi l'année du changement de notre relation. Elle deviendra plus intime. J'ai alors 30000km, et pour la dernière fois de ma vie, je franchirais les porte d'une concession Mazda. A compter de ce jour, c'est mon propriétaire, et uniquement lui qui soulèvera mon capot. Les entretiens deviennent plus fréquents, et je le sais, plus soignés.
Entre temps, d'autres voitures rejoignent le foyer. Valérie se sépare de sa 106, et je suis rejointe par une 2cv. Elle est de 1982, je lui dois le respect! Je lui cède ma place dans le box, et rejoins un parking couvert.
En 2004, une moto vient me compléter. Depuis 2 ans, je perds mon temps dans les bouchons, je suis sous-exploitée, et pour tout dire, je m'ennuie! Désormais, je roulerais beaucoup moins souvent, mais quand je sortirais, ce sera uniquement pour le plaisir de m'utiliser pour quoi je suis faite: les virolos, enroulés tambour battant, et les voyages au long cours. Je reste le véhicule loisir n°1, et toutes les vacances, tous les weekends, se passent avec moi. Je revis! Il n'est pas beaucoup de régions de France que je n'ai pas connu. Campagne, mer, montagne, l'été sous la canicule en Ardèche, l'hiver sous la neige dans les Vosges, je suis de toutes les parties.
Je roule très souvent en convoi, souvent en tête, mon propriétaire étant devenu coordinateur régional pour le Nord de la France. J'ai ainsi l'honneur de faire découvrir ma région d'adoption à des consœurs venues de partout en France, ou de l'étranger.
Nouveau déménagement en 2006. Une Mini me rejoint, elle partagera le garage de la nouvelle maison avec la 2cv. Elles ont un argument à m'opposer. Je suis bien construite, je suis fiable, et bien moins sujette à la rouille. Je suis donc garée dans le jardin. Voyons le côté positif: je vis au grand air... Tourmenté de me voir ainsi exposée aux éléments, mon propriétaire m'offre un pyjama: une housse entièrement faite sur mesure.
C'est aussi une des périodes les plus fastes de mon existence. Je parcours les plus belles routes de France ou d'Europe, je roule sur les circuits les plus mythiques: Spa, Dijon-Prenois, le Nurburgring... J'y vais en toute modestie, je sais que je ne suis pas faite pour ça, et que mes 110cv sont un peu faibles pour m'emmener à bon rythme. Mais je ne démérite pas, et quand je vois le sourire de mon propriétaire en fin de journée, j'ai le sentiment de lui avoir donné du plaisir au volant.
Je suis toujours entretenue religieusement: je subirais mon premier gros entretien, avec de nouvelles courroies en Aout 2006. J'ai déjà 6 ans et 90000km! Mes suspensions seront en même temps raffermies, raccourcies, mon freinage est amélioré, et avec quelques renforts, ma tenue de route est transfigurée. Par contre, mon propriétaire s'est toujours refusé à la moindre modification moteur. Mon double échappement qui a longtemps été ma marque de reconnaissance est supprimé, et on me repose un pot d'origine.
Aujourd'hui, ça fait 10 ans que je suis sortie du garage. Hasard de la vie, j'ai aussi exactement 150000km, franchis ce matin!
On m'a offert le plus beau cadeau dont je puisse rêver: un retour aux sources, une sorte de pèlerinage. Mon propriétaire m'a emmené 10 ans après, jour pour jour, devant la concession d'où je suis sortie pour une photo souvenir. Je n'en mettrais pas mes roues à couper, mais je crois que j'étais exactement à la même place le 27 Juillet 2000.
Et nous avons refait mon premier parcours. Seuls, en tête à tête. Ironie de l'histoire, le temps était à peine meilleur qu'il y a 10 ans. Les mêmes gouttes de pluie, mais cette fois pas assez pour nous décourager de rouler décapotés!
J'ai aussi eu droit à une séance de cosmétique pour mon anniversaire. J'ai été soigneusement lavée, décontaminée, polishée, lustrée. Cela a pris plusieurs jours, mais j'ai retrouvé l'éclat des premiers jours! Oh bien sûr, je sais que je ne suis plus aussi belle qu'avant, le temps et les kilomètres ont fait souffrir ma carrosserie. Mon propriétaire se refuse à me faire passer en peinture. Il dit que mes rayures, mes bosses, font partie de mon histoire. Et qu'à chaque défaut est associé un souvenir.
Mais je suis heureuse car il m'est resté fidèle. Plusieurs fois, au fil des essais et des rencontres de mon propriétaire, je me suis imaginé être remplacée par plus puissant, plus léger... De nombreuses consœurs ont changé de main au gré des envies ou des lubies de leurs propriétaires. Mais pas moi.
Aujourd'hui, j'ai 10 ans, et je vous donne rendez-vous quand j'aurais 20 ans, j'espère toujours auprès du même.
Bien à vous,
La NB Grace Green n°143328
Mazda Mx5 en France, Belgique, Suisse et Luxembourg
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bon anniv.
superbe récit et surtout 
de connaitre TOUT ton historique 
